Les
Pirates Celèbres :
Barbe Noire Edward Teach ou Thatch est plus connu sous le terrible
nom de Barbe-Noire.
Né à Bristol, Angleterre. Il devient corsaire puis pirate en 1716. Il
avait compris que son arme principale était la terreur et il se rendit
donc le plus terrible possible.
En le voyant surgir d’un nuage de fumée, armé jusqu’aux dents avec sa
longue barbe tressée, ses victimes se rendaient avant que le moindre coup
de feu ne soit tiré. (Il portait une longue barbe noire avec laquelle
il faisait des tresses et dans laquelle il accrochait des rubans. Pour
effrayer l'adversaire, faisait brûler de longues allumettes de soufre
et de poudre qu'il plaçait entre sa tête et son chapeau.)
Pour que ses captifs sachent à quoi ils s’exposaient, il n’hésitait pas
à trancher le doigt de quiconque hésitait à lui remettre sa bague. Barbe
Noire se montrait tout aussi inflexible avec son équipage, en massacrant
de temps en temps un ou deux marins histoire de rappeler qu’il était seul
maître à bord. Avec ses 40 canons, son navire, « La Revanche de la Reine
Anne » terrorisa les Caraïbes entre 1715 et 1718. Il repoussa un vaisseau
de guerre britannique, captura 4 navires au Honduras, et rançonna toute
la ville de Charleston en Caroline du Sud. En 1718, le Gouverneur Spotswood
de Virginie loua les services du lieutenant Maynard de la Royal Navy pour
qu’il capture Barbe Noire.
Maynard pris son bateau à l’abordage et se battit contre Barbe Noire à
mains nues. Au terme d’une vingtaine de coups de sabre et de cinq coups
de pistolet, le géant s’écroula enfin à terre. Avec la tête de Barbe Noire
se balançant au beaupré de son navire, le vainqueur fit un retour triomphal
dans son pays.
L’Olonnais
Jean Nau
dit L'Olonnais est célèbre pour ses expéditions sur la terre ferme,
mais plus encore pour son épouvantable cruauté. On dit qu'après lui, les
autres pirates eurent la tâche facile tant il a associé d'horreurs avec
le mot de «flibustier». Originaire des Sables-d'Olonne en Vendée, il s'embarque
à La Rochelle pour les Antilles à titre «d'engagé». Il devient boucanier,
et voit ses compagnons massacrés pour la plupart par les «lanceros» espagnols.
Il se réfugie à La Tortue où il obtient le commandement d'un premier navire,
mais il fait naufrage près de la ville de Campeche. À nouveau, ses compagnons
sont tous tués, quelques-uns faits prisonniers.
Barbouillé de sang, l'Olonnais se couche parmi les morts et attend le
départ des Espagnols pour revêtir l'uniforme d'un soldat espagnol tué
dans la mêlée. Ainsi déguisé, il se rend à Campeche et participe à la
fête, célébrant la victoire de ce jour sur les flibustiers.
Un peu plus tard, il convainc des esclaves noirs de s'enfuir avec lui
à bord d'une barque. De retour à la Tortue, il libère les esclaves comme
promis, puis il repart avec vingt-deux compagnons seulement pour saccager
la ville de Los Cayos, à Cuba. Le gouverneur de La Havane envoie contre
eux un brigantin de dix canons avec quatre-vingt dix hommes à son bord.
L'Olonnais les surprend alors qu'ils ont jeté l'ancre dans une baie. Un
des prisonniers lui révèle être à bord pour servir de bourreau avec ordre
de pendre les flibustiers capturés.
L'Olonnais se fâche. Il fait monter un à un les prisonniers de la cale
et leur tranche la tête.
On dit qu'à chaque tête coupée, il léchait son sabre en faisant des réflexions
sur le goût différemment salé de l'un ou l'autre.
Il n'en laissa qu'un seul en vie et le chargea de rapporter dans une chaloupe
les têtes coupées, ainsi qu'une lettre à l'intention du gouverneur de
La Havane : «Je suis fort aise, Monsieur le gouverneur, que cet ordre
soit venu de votre part et vous pouvez être assuré qu'à l'avenir tout
Espagnol tombant entre mes mains subira le même sort. Peut-être même,
monsieur le gouverneur, en ferez-vous personnellement l'expérience, ce
serait justice et grand plaisir pour moi».
Le gouverneur reçut aussi une lettre de ses propres sujets lui rappelant
que «pour un Anglais ou un Français que nous prenons, les aventuriers
sur nous font cent prisonniers. Les flibustiers n'en veulent qu'à nos
biens, ils nous laissent la vie sauve, et si les ordres de votre seigneurie
étaient mis à exécution, ce serait la condamnation d'une infinité d'existences
chères à notre nation».
En 1666, à la tête de sept navires, l'Olonnais et Michel le Basque pillent
Maracaibo, avant de se diriger vers la ville fortifiée de San Antonio
de Gibraltar. Trois fois les assauts sont repoussés, car durant le temps
que les flibustiers ont mis à saccager Maracaibo, le gouverneur Merteda
a organisé la défense. Et il n'y a que 380 flibustiers pour attaquer des
murailles défendues par vingt canons et 400 soldats auxquels s'ajoutent
400 volontaires. À la fin, l'Olonnais a recourt à une ruse : il sonne
la retraite et tous les flibustiers replient dans un semblant de déroute
pour se cacher dans la jungle et le long de la route.
Convaincus de leur victoire les Espagnols sortent afin de poursuivre les
flibustiers. L'Olonnais les prend à revers et entre dans la ville avant
qu'on ait le temps de refermer les portes. Le pillage de Gibraltar fut
particulièrement brutal, et au retour, on s'arrêta de nouveau à Maracaibo
exiger une rançon de 30 000 piastres des habitants qui avaient eu la maladresse
de rentrer chez eux avant que les flibustiers aient pris le large! Quelques
expéditions moins glorieuses plus tard, survient un nouveau naufrage.
L'Olonnais aboutit à la plus petite des îles Baru, au sud de Carthagène
(golfe de Darién). Capturé par les Indiens Bravos, il est coupé en morceaux,
rôti et fumé sur un boucan. Il avait quarante et un ans.
Henry
Morgan (1635-1688)
Aventurier gallois, Sir Henry Morgan a été l'un des flibustiers qui, avec
l'appui tacite du gouvernement anglais, s'attaqua au trafic maritime et
aux colonies espagnoles. On peut dire de lui qu'il fut le plus grand.
Secondé par plusieurs des capitaines de l'Olonnais, (Roc Brasiliano, Laurent
de Graaf, Michel le Basque et d'autres), il profite de leur expérience
et dirige des expéditions de grande envergure.
La première connaît un étrange départ. Second du célèbre Mansfeld, Morgan
voit le vieil amiral des flibustiers renoncer à l'expédition contre Curaçao
financée par le gouverneur de la Jamaïque. Morgan veut se rattraper en
tentant un coup de main contre une ville fortifiée...; mais son équipage
refuse ce projet, préférant se diriger vers Puerto Principe, (aujourd'hui
Camagüey, à Cuba). Cependant, cette ville se révèle peu riche. Morgan
obtient quand même une rançon, dont 500 boeufs qu'il fait abattre et saler
afin d'entreprendre sans tarder une autre expédition.
En 1668, la même année que la prise de Puerto Principe, les flibustiers
de Morgan attaquent Portobelo défendue par quatre forts. Le coup de main
est audacieux. Il implique de s'infiltrer dans les forts espagnols de
nuit.
On se doute que Morgan avait de bons guides. Probablement des flibustiers
qui avaient connus la captivité à Portobelo avant de s'évader ou d'êtreé
changés contre des prisonniers espagnols. Il faut dire aussi que les flibustiers
disposent de moyens efficaces pour soutirer des renseignements aux leurs
prisonniers : la terreur, la torture... ou offrir la liberté aux esclaves.
Morgan et ses capitaines saccagent en 1669 Maracaibo, au Venezuela. Encore
une fois, la ville n'est pas aussi riche qu'espérée.
Elle ne s'est pas encore remise du pillage de L'Olonnais et les flibustiers
de Morgan passent tout un mois à ratisser la jungle à la recherche de
prisonniers à rançonner ou de cachettes dissimulant les richesses des
habitants.
Au moment de repartir, une mauvaise surprise attend les flibustiers :
trois navires de guerre bloquent l'embouchure de la baie de Maracaibo.
C'est l'Armada de Barlovento, équipée de navires trop gros pour entrer
dans la baie, mais qui attendent patiemment à la sortie les trois vaisseaux
reliés entre eux par des chaînes pour décourager toute tentative de fuite.
Morgan a prévu le coup. Lui et ses capitaines font semblant d'attaquer.
Ils vont droit sur les navires de guerre comme s'ils voulaient monter
à l'abordage.
Les officiers espagnols concluent que les flibustiers veulent se battre
au sabre et, en gentilshommes, acceptent le défi. Sans tirer un seul coup
de canon, ils attendent les flibustiers...; mais le premier navire qui
les aborde est un brûlot. C'est-à-dire un navire chargé de goudron, de
barils de poudre en plus de mannequins pour faire croire à un équipage
nombreux. Les quelques flibustiers qui le manoeuvrent allument la poudre
et sautent par-dessus bord. Les Espagnols aussi, et dans l'explosion qui
suit leur navire amiral s'enflamme.
Le second navire est capturé par les flibustiers. Le troisième va s'échouer
sur la plage pour que l'équipage puisse courir se cacher à terre. Quand
même, la plus grande partie des Espagnols ont le temps de se réfugier
dans le fort qui bloque la sortie de la baie. Morgan reste bloqué. Toute
la journée, les Espagnols surveillent les canots qui partent des navires,
chargés de flibustiers, emportant armes et munitions. Les Espagnols se
rendent à l'évidence : Morgan prépare une attaque par voie de terre, alors
ils déplacent les canons qui pointaient vers la mer, les positionnant
vers la terre.
En fait, les chaloupes des flibustiers partent emplies d'hommes vociférant
et surexcités... et reviennent aux navires avec les mêmes hommes sagement
couchés au fond des chaloupes. Quand Morgan juge que les Espagnols ont
déplacés tous leurs canons du mauvais côté, il lève les voiles et sort
de la baie sans autre problème.
Morgan s'empare aussi de Panama en 1671. Cette fois encore, la ville se
révèle moins riche qu'espérée.
Ce raid est marqué par une bataille rangée aux portes de la ville et suivie
de brutalités et de débauches parmi les plus grandes de l'histoire de
la flibuste. Cependant, au retour, Morgan se fâche avec ses flibustiers
déçus du butin trop maigre à leur goût.
N'attendant pas que la grogne se transforme en règlement de compte, il
met les voiles accompagné de ses plus fidèles capitaines. Plusieurs flibustiers
diront alors qu'il s'enfuit avec la plus grande partie du butin. Une fois
en Jamaïque, il est arrêté et dépêché en Angleterre pour y subir un procès.
C'est que la paix est signée entre l'Espagne et l'Angleterre. Le raid
contre Panama est donc très mal vu par le gouvernement anglais. Morgan
manoeuvre bien, et la guerre reprenant, il est plutôt accueilli en héros,
anobli, et nommé lieutenant-gouverneur de la Jamaïque avec pour mission
d'en chasser les pirates et les flibustiers. Il achève ses jours paisiblement
en Jamaïque.
Monbars
Monbars est un gentilhomme du Languedoc, dans le sud de la France. Adolescent,
Monbars dévorait les livres du père jésuite Las Casas, le défenseur des
Indiens d'Amérique, et on dit qu'à chaque page il s'écriait : maudits
Espagnols ! À l'école, jouant dans une comédie, il passe près d'étrangler
un confrère de classe qui tenait le rôle d'un noble Espagnol. Un peu plus
tard, la guerre éclate entre la France et l'Espagne, Monbars obtient d'un
oncle capitaine corsaire qu'il le prenne à son bord. Et le voilà en route
pour les Antilles !
A chaque voile aperçue, Monbars s'excite : «Est-ce un Espagnol ?». Quand
enfin on finit par en rencontrer un, son oncle fait enfermer Monbars dans
une cabine: «Il se ferait tuer! Il est complètement fou!» se dit l'oncle.
Dès l'abordage, Monbars enfonce la porte et se jette dans la mêlée, comme
un furieux. Il massacre tellement d'ennemis que les matelots s'exclament
: «C'est l'ange exterminateur.» Il ne faut pas imaginer le joli teint
rose d'un ange blond. Oexmelin décrit Monbars comme un colosse, brun de
poils, avec d'énormes sourcils broussailleux. Monbars descend à l'île
de la Tortue, où son oncle fait escale pour écouler son butin. Pendant
que les flibustiers se débauchaient tant que l'argent durait, Monbars
ne buvait que de l'eau, ne touchait pas aux cartes et, paraît-il, les
femmes ne l'intéressaient pas davantage.
Il préférait causer avec les boucaniers de la côte d'Hispaniola. «Nos
affaires ne vont pas du tout, disaient ces hommes.
Les Espagnols viennent de plus en plus souvent du centre de l'île, ils
profitent de ce que nous sommes à la chasse pour dévaster nos boucans.
Il faudrait organiser une expédition contre eux.» À ce moment, Monbars
a dix-sept ou dix-huit ans. On peut imaginer que les boucaniers commencent
par le regarder de travers quand il propose de diriger une expédition
punitive envers les ennemis des boucaniers. Monbars obtient quand même
ce qu'il veut.
Il se rend avec les boucaniers à Hispaniola, combat avec eux, tue des
Espagnols, délivre leurs esclaves indiens, se fait acclamer par les boucaniers
étonnés de s'être trouvés un chef aussi terrible. Son rêve d'adolescent
est réalisé : il venge le génocide des Indiens d'Amérique. Il s'est fait
justicier. Par la suite, Monbars devient capitaine d'un navire pourvu
d'un équipage d'Indiens et d'esclaves évadés, dévoués jusqu'à la mort.
Quand il capture un navire espagnol, il jette tout ce qu'il porte à la
mer. Pas de quartier pas de butin, et il en sera ainsi dans tous ses combats,
terrestres ou maritimes. Il devient vraiment Monbars l'exterminateur.
Monbars n'est vraiment pas un tendre avec ses ennemis.
Il rivalise avec l'Olonnais dans l'invention des tortures les plus horribles.
C'est lui qui aurait eu l'idée d'ouvrir le ventre à des prisonniers, d'en
tirer l'extrémité de l'intestin, qu'on cloue à un arbre. Puis, en mettant
une torche aux fesses du prisonnier déjà très mal en point, on l'oblige
à reculer, dévidant ses tripes. Une façon de mourir vraiment horrible
qui amusait beaucoup les flibustiers de Monbars. Faut dire qu'à l'époque,
les pauvres flibustiers n'avaient ni télévision, ni radio, pas même de
walkman, et qu'il leur fallait bien se désennuyer.
Disons aussi que la description, souvent méticuleuse, des atrocités soi-disant
inventées par Monbars sont les mêmes qu'on pratiquait en Europe et ailleurs,
selon les chroniqueurs espagnols des XVIIe et XVIIIe siècles.
Ce sont peut-être des exagérations visant à justifier la haine des pirates.
Les récits ou dessins de cette époque marquée de nombreuses guerres nationales
et religieuses ont souvent pour but de montrer à quel point les autres
sont abominables. Il est bien difficile aujourd'hui de trancher entre
vérité et propagande.
Quand même, nombre de faits rapportés sur Monbars sont sûrement très réels,
mais tout le personnage baigne dans une chronologie imprécise, jusqu'au
jour inconnu où, on ne sait même pas l'année exacte, appareillant une
dernière fois de La Tortue avec son équipage d'Indiens fidèles, il disparaît
à jamais, corps et biens.
Grammont
Son nom se prononce Grand Mont. C'est un gentilhomme gascon. À 14 ans,
choqué par les manières d'un officier qui fait la cour à soeur, il le
provoque en duel. Les épées sont tirées et l'officier frappé de trois
coups mortels. Pendant qu'il agonise, on lui tend une plume pour qu'il
rédige son testament. Il y pardonne à Grammont, affirmant être «l'artisan
de mon malheur, tout s'est passé dans l'honneur» et lègue une somme à
la soeur bien-aimée et à Grammont lui-même. Aucune action judiciaire n'est
donc prise contre Grammont, mais on l'inscrit de force à l'école des mousses.
Un marin voyage, c'est donc un exil déguisé qu'on lui impose. Pourtant
Grammont se plaît sur un navire. Il apprend vite. D'abord le langage ordurier
de marins dont il usera ensuite abondamment, manière de renier qu'il est
gentilhomme. Il apprend aussi tout ce qui concerne la navigation. Très
vite aussi, il se fait une solide «réputation». En peu de temps, il devient
capitaine d'une frégate corsaire de la marine française avec laquelle
il capture une flottille hollandaise si riche qu'on la surnomme «la bourse
d'Amsterdam». Sa part du butin se chiffre à 80 000 livres qu'il dépense
en huit jours dans les tavernes et les bordels des Antilles Françaises.
Il garde 2 000 livres qu'il risque au jeu et qui lui permettent de gagner
la somme nécessaire pour acheter un navire de 50 canons. Il rend ses galons
d'officier de marine et devient flibustier. On dit Grammont robuste, petit,
brun et basané. Son regard vif et sa langue agile, capable de discours
mielleux ou de maudire à coups d'effroyables blasphèmes et de basses insultes.
Son seul handicap au yeux des flibustiers est qu'il se dit athée, alors
qu'eux recommandent leurs âmes à Dieu avant d'aller assassiner, piller
,violer, etc. Quatre grandes expéditions marquent sa carrière : Maracaibo
en 1678, Cumaná en 1680, VeraCruz en 1682, Campeche en 1686. Mais le roi
de France veut que cessent les activités des flibustiers qui ne s'accordent
plus avec sa politique. Pour l'inciter à changer de métier, il le nomme
lieutenant du roi pour la province méridionale de Saint-Domingue. Grammont
remercie poliment le gouverneur de l'île de la Tortue qui lui remet le
brevet du roi. Cependant, peu de temps après, il part à la tête de trois
navires et deux cents hommes pour une destination inconnue. On ne le reverra
jamais.
De
Graaf (1682-1704?)
Original et talentueux, De Graaf devint le plus grand flibustier de son
époque.
On dit que De Graaf est venu dans les Antilles en tant que canonnier au
service de l'Armada de Barlovento, la flotte espagnole de navires rapides
chargée de chasser les pirates. Quand par la suite il passe dans le camp
des flibustiers, sa connaissance des Espagnols lui servira à les rouler
à chaque occasion. Au sommet de sa gloire, on le décrit comme étant grand,
blond, et bel homme arborant une moustache effilée à l'espagnole qui lui
donnait beaucoup de prestance. Il avait toujours à bord de son navire
des violons et des cuivres dont il jouait lui-même pour divertir son équipage.
De toute manière, il fallait qu'un orchestre joue pour accompagner chacun
de ses repas. Il se distinguait des autres flibustiers par sa courtoisie
et son raffinement. Sa célébrité était si grande qu'à chaque endroit où
il passait, les gens s'attroupaient de partout venant voir de leurs propres
yeux ce que cette légende vivante avait de si différent des autres hommes.
Surnommé «Lorenzo» par les Espagnols, il se serait marié à une Espagnole
nommée Petronila de Guzman. Selon les historiens espagnols, son premier
raid fut contre la ville de Campeche.
La nuit du 31 mars 1672, les habitants de la ville sont réveillés par
une gigantesque explosion. Sur une plage proche de la ville, une frégate
de la guarda costa en construction venait de s'enflammer.
C'était le moyen imaginé par De Graaf pour illuminer l'entrée du port
de Campeche et permettre à ses navires d'y entrer rapidement, pendant
que la garnison espagnole terrorisée s'enfuyait.
Le lendemain, ne se doutant de rien, un navire marchand entre dans le
port chargé de 120 000 pesos en argent.
Les flibustiers chargés d'un butin considérable disparaissent en mer avant
qu'une colonne de soldats arrive par voie de terre en provenance de Mérida.
Dix ans se passent sans que le nom de De Graaf soit mêlé à d'autres coups
de main.
Ce qui fait douter que l'attaque de mars 1672 sur Campeche soit vraiment
de lui.
Plus probablement, elle a été menée par des flibustiers partis sans laisser
de carte de visite! C'est à partir de septembre 1682 que des documents
attestent plus sûrement les activités de De Graaf. Le gouverneur français
de Saint-Domingue, Jacques Nepveu sieur de Pouançay, écrit que De Graaf
faisait la course pour son propre compte depuis 1676 ou 1677, n'ayant
jamais requis de commission de qui que ce soit et n'ayant jamais fait
escale dans les ports d'aucune nation. Son ascension en tant que pirate,
ajoute le gouverneur, a débuté quand avec une petite barque, il a capturé
un petit navire avec lequel il en a pris un plus gros, jusqu'à commander
un navire de guerre armé de 28 canons.
Ce navire était probablement le «Tigre», pris à l'Armada de Barlovento
à l'automne 1679. En 1682, la réputation de De Graaf était si grande que
le gouverneur de la Jamaïque, Sir Henry Morgan devenu à cette époque chasseur
de pirates, prévenait le capitaine de la frégate «HMS Norwich» de faire
bien attention à Laurent De Graaf, qui commande un navire de 28 canons
et de 200 hommes d'équipage. Par précaution, Morgan renforça l'équipage
de la frégate de 40 soldats pris sur la garnison de Port Royal. A partir
de ce moment, De Graaf participa aux plus grandes expéditions montées
par les flibustiers.
Autant sur terre que sur mer, ses victoires et ses raids sont trop nombreux
pour les raconter ici. Une autre fois, peut-être.
Concluons en rappelant qu'à la fin de sa vie, De Graaf s'est associé à
Pierre Lemoyne d'Iberville pour fonder des villes en Louisiane, dont Biloxi
et Mobile.
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