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Police

Saint-Etienne est-il assez " fliqué " ?

 

Enquête :  François Revouy - Journaliste
Rédacteur en Chef de l'Echo de la loire

Conception Graphique de l'Echo de la Loire : Christine Fezay
Reportage-Photo : Jérôme Bernard-Abou

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"Aucun quartier

ne nous est Interdit "

 

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B.A.C.

Cynophile

Police-Secours

 De l¹aveu des plus hautes autorités, il y a plus de délits commis la nuit à Saint-Etienne qu¹en journée.

Pourtant, après 21 heures, à peine vingt policiers assurent la sécurité des rues de la capitale forezienne.

Deux équipes de la BAC, une de la cynophile, deux de Police secours.

De quoi frémir, qu'en on songe qu¹en moyenne une voiture brûle tous les soirs à Montreynaud... 

C'était il y a un an. "Jeannot Correia", policier de la brigade anti-criminalité décédait des suites d'un "accident", consécutif à une poursuite sur l¹autoroute A 47. Sa voiture, percutée voilement par des cambrioleurs en fuite, sortait de la route à hauteur de la Chabure à Saint-Chamond. Le 17 février 2000 à 14 heures, une minute de silence a été respectée en son honneur dans les locaux du commissariat central de Saint-Etienne. Dans le classement du ministère de l¹intérieur, la Loire figure en 26ème place des départements les plus sensibles.


"Nous portons sur nos épaules tous les malheurs de la société", lâche le lieutenant de police Bailleux, entre deux chasses-poursuites. La délinquance de voie publique, il connaît, il la côtoie tous les jours au sein des unités spécialisés. Parmi elles, la Bac, la Canine, la section d'intervention, la BSO, la brigade de soutien opérationnel.


La BAC, c'est de loin la section la plus exposée. Ses hommes chassent  le flagrant délit. En voiture banalisée. Pas des BMW, ni des Mercédes. Des Peugeot et des Citroën, comme monsieur tout le monde. Difficile de rattraper les bolides flambant neufs des cambrioleurs... Mais pour la petite délinquance ça suffit. "Ceux qu¹on attrape sont de plus en plus jeunes", explique le major d¹astreinte ce soir-là. "On déplore surtout des vols dans les garages...les  auteurs agissent de plus en plus de manière isolée... mais on réalise quand même cinquante interpellations par mois".  A Saint-Etienne, il n'y a pas de bandes organisées, pas de mafias, comme à Lyon ou à Grenoble. Pas de proxénétisme  non plus. Une ville calme ? Presque, s'il n'y avait pas la violence urbaine et les gitans qui viennent faire des cambriolages. De toute façon, "aucun quartier ne nous est interdit !, insiste le major, quand il faut monter à la Romière pour aider les collègues du Chambon-Feugerolles, on y va'. A Montreynaud, la BAC procède parfois à des interventions musclées. Comme au bar Les Feuilles mortes, où elle a récemment effectué un contrôle d'identité avec... fusils à pompes.
Jean-François vient de Grenoble. Un jour il a fait une grosse prise de drogue, "par hasard, en regardant quelqu¹un qui avait l'air louche.

Il paraît que ça se voit, quand on a quelque chose à se reprocher. "La chance, il faut en avoir...mais ce qui nous aide le plus c¹est notre instinct, l¹instinct du chasseur".  Coïncidence ou pas, Jean-François est un ancien militaire, comme son lieutenant. ³ca nous sert, mais ce n'est pas indispensable pour servir à la BAC".  La conduite sportive, il l'a appris à Nantes, sur le circuit Sela à Fay-de-Bretagne. C'est indispensable quand on est amené à rouler à 180 Km /h sur autoroute.
Les policiers restent à la brigade anti-criminalité au maximum six ans, après ils intègrent le SIR (Service d¹investigation et de recherche) ou prennent du grade dans les bureaux. A la brigade cynophile, ils restent plus longtemps. Les chiens sont réformés au bout de huit ans", explique le brigadier-chef Portera. La canine, comme les policiers l'appellent également, comprend neuf chiens, dont Olaf, le "chien stup". Ils travaillent par équipes de trois. Deux équipes tournent de 13h à 21h30, relayées par deux autres équipes de 21h jusqu'à 5h30."Sans les chiens il y a certains contrôles d'identité qu¹on ne ferait pas. Ils calment tout le monde".
Avant, la BAC s¹appelait BSN, elle ne travaillait que la nuit. Mais il faut s¹adapter, la délinquance se commet de plus en plus au grand jour, l¹après-midi. "A la BAC, nous sommes tous volontaires. Nous passons des tests psychologiques. Nous devons avoir une bonne connaissance policière. Surtout il faut être très pointu en procédure", insiste le lieutenant Bailleux.  
Signe des temps, le droit a envahi la sphère policière. Et la réforme de la justice ne va pas aller en simplifiant les choses. Les spécialistes du "saute-dessus", comme ils se définissent eux-mêmes, ne sont pas astreints à la procédure judiciaire : "dès que le PV d¹interpellation est établi, mes gars repartent sur le terrain", explique le commandant Comeau."Les PV d'interpellation ne doivent pas prêteer matière à interprétation", insiste pour sa part, le capitaine Moisset de l'unité de quart. L'unité de quart, c'est un peu comme e les urgences de l'hôpital : "Tout passe par nous, quand la salle prend un appel (le 17, ndlr), elle prévient l'officier de quart qui fait le tri. Après les interpellations, c'est encore le service de quart qui dispatche les affaires en fonction des infractions".  En 1999, l'unité de quart a géré 900 gardes à vue, soit une moyenne de 60 à 80 par mois. Elle a également réalisé une centaine d'enquêtes décès.

 

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Une police de proximité pour plus de prévention

Depuis le 1er décembre 1999, les services de l'Opac de Saint-Etienne (qui gèrent 7100 logements) ont mis en place, dans les quartiers les plus sensibles, un service de surveillance constituée de trois équipes de deux personnes.  On les reconnaît à leur blouson rouge fluorescent, la mention "présence de nuit" inscrite en larges lettres grises dans le dos. Ce ne sont pas des policiers, encore moins des médiateurs, plutôt des gardiens, qui tournent dans les gages d'escaliers, sur les parkings, aux abords des immeubles pour sécuriser les habitants. Un service payant. "On commence simplement à se rendre compte que l'on aurait jamais dû renoncer aux concierges... ", explique le commissaire de Police Cour.
André Cour est chargé de la mise en place de la Police de proximité à Saint-Etienne : "à une police d'ordre, mobilisée surtout pour la défense des institutions et de la société, le gouvernement à voulu substituer une police plus soucieuse du citoyen et de ses attentes."  L'objectif assigné est triple : anticiper l'évènement, connaître son territoire en y étant connu et reconnu, et répondre aux attentes de la population. La carte policière de Saint-Etienne a donc été revue, et neufs bureaux de Police de proximité ont été identifiés. Mais un seul est vraiment opérationnel : Le BP 7, celui du centre ville. Il regroupe neufs secteurs : Crêt de Roch, Chavanelle, Hyper-centre, préfecture, Jacquard, Courriot-Tarantaize-Beaubrun, Colline des pères, Badouillière et Saint-Roch. Actuellement 22 personnes y sont affectées. Un chiffre insuffisant pour couvrir convenablement tous les quartiers : "Parmi les gardiens de la paix, certains sont affectés exclusivement au judiciaire et à la prise de plaintes. Pour la voie publique je dispose seulement de six fonctionnaires. j'ai donc défini des priorités, à savoir fidéliser deux équipes sur l'Hyper-centre et deux autres sur Beaubrun-Tarentaize. Dans ce dernier cas, une équipe de plus ce ne serait pas du luxe", explique le capitaine Crépet, responsable du BP 7. D¹ailleurs, sur l'ensemble de la ville, ce sont prêt de 57 gardiens de la paix qui font défaut... les 48 personnes actuelles ne couvrent même pas les départs en retraites, quant aux ADS, ils se sont pas assermentés. Tous ne réussiront pas le concours, et ceux qui l¹auront seront envoyés ailleurs... (voir enquête Emplois jeunes dans l¹Echo de la Loire, n° 104).
Les bureaux de police de proximité ferment leurs portes à 21 heures : "au-delà ce n¹est plus de la prévention, c'est de la sécurisation", souligne le directeur départemental de la sécurité publique, le commissaire divisionnaire Bilhère-Dieuzeide. Selon lui, la police de proximité participe d¹une "nouvelle culture policière/. Elle nécessite une réforme de l'organisation, voire un changement des mentalités".  

Seulement vingt policiers du service de voie publique sont présents la nuit dans les rues de Saint-Etienne. Bien peu de monde pour appréhender tous les "sauvageons", selon la terminologie chère à Jean-Pierre Chevènement. Mais est-ce vraiment l'objectif ? Faut-il vraiment plus de flics dans les rues ? Il n¹est pas certain que le c¦ur du problème soit là. D¹une part, parce que la réponse la plus dissuasive est  peut-être à trouver du côté de la justice (voir l'article pages 10-11 sur la prison), ensuite parce qu'il appartient à tous d'aider la police. Comme le signale le commandant Comeau des unités spécialisés : "A quoi servent plus de policiers, si les gens ne témoignent pas le moment venu ?" La sécurité serait-elle redevenue l'affaire de tous ?


1-"Sans les chiens il y a certains contrôles d'identité qu¹on ne ferait pas. Ils calment tout le monde", explique le brigadier-chef Portera, responsable de la brigade cynophile. Neuf chiens travaillent sur la voie publique dont un, Olaf, spécialisé dans la recherche de stupéfiants.

2-"Parmi les gardiens de la paix, certains sont affectés exclusivement au judiciaire et à la prise de plaintes. Pour la voie publique je dispose seulement de six fonctionnaires. j'ai donc défini des priorités, à savoir fidéliser deux équipes sur l'Hyper-centre et deux autres sur Beaubrun-Tarentaize", explique le capitaine Crépet, responsable du bureau de police du centre ville...le seul où le dispositif "Police de proximité" est testé.

 

 

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Une nuit avec la B.A.C.


Vendredi 21h00. Dans les bureaux de la BAC au 99, cours Fauriel. Prises d¹ordres, avant de partir en mission. Les policiers sont reliés par radio, indétectable au scanner, à la salle de commandement et d'information (le 17).

00h30. Après une intervention pour vol à la roulotte à la Métare, la radio prévient qu¹un individu menace le patron de la discothèque l¹Embrasy avec une grenade à plâtre. Les pneus crissent et le copilote branche le gyrophare, direction centre ville.


2h30. Place Jean Plotton, deux individus sont interpellés suite à un appel d¹un requérant pour vol par effraction sur une voiture.


3h00. Contrôle en règle de la brigade cynophile et de la BSO à Montreynaud. Pendant que trois policiers fouillent les jeunes, mains au mur, les maîtres-chiens surveillent à distance. Lorsqu'ils tentent de se rebeller, les policiers lancent leurs chiens, muselés. Tout le monde se clame très vite, malgré les insultes.


4h00. Après une course-poursuite, deux voleurs à la roulotte sont interpellés dans le centre-ville. Conduits au commissariat central, ils subiront le test de l'éthylomètre, avant d'être fouillés et envoyés au trou pour cuver leur alcool. Les deux mineurs seront relâchés le lendemain, à l¹issu de la garde à vue, non que le procureur n¹ait été averti.

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Matches de foot : nuits agitées


La section d¹intervention assure la sécurité aux abords et à l'intérieur du stade  Geoffroy Guichard, lors du match Saint-Etienne-Montpellier. Deux supporters de Montpellier seront agressés en regagnant leurs véhicules. Arrivés à quinze, les Montpelliérains ont copieusement insulté les quinze mille supporters de l'ASSE durant toute la rencontre. Un petit groupe d'entre eux n'ont pas appréciés et ont réglé leur compte à coup de poing américain, sitôt le match fini.

Après le match, la BAC de nuit intervient à Saint-Priest pour aider une jeune femme en train de se faire violer par deux de ces copains, à moitié ivres. Tout le monde se calme et se rebraille.  

Accident sur l'autoroute en quittant le stade. Les policiers préviennent les CRS de la sécurité autoroutière. Moins de cinq minutes plus tard, ils seront présents sur les lieux.

Constatation de dégâts dans un magasin de la rue des Martyrs de Vingré. Les cambrioleurs ont défoncé la vitre à coup de masses. En moins de cinq minutes ils ont chargé leur véhicule et pris la fuite, au nez et à la barbe des voisins. Seul un jeune homme a prévenu la Police. La Bac, présente place du peuple au moment de l'appel, ne pourra pas rattraper les voleurs...

 

 

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Police13.jpg (4487 octets)   Montreynaud : entre mythe et réalités


A l'heure où Martine Aubry lutte contre la discrimination raciale à l'embauche, le délit de faciès cède peu à peu la place au délit de quartier. A Saint-Etienne, les jeunes de Montreynaud, maghrébins ou non, souffrent d¹un déficit d'image... et d'emploi. Le chômage touche tout le monde : les "sans qualification" comme les plus diplômés. Se sentant exclus de la société, certains n'hésitent pas à passer à l'acte. Entre révolte et dés¦uvrement

S'ils se sentent aussi bien arabes que français, les jeunes "beurs" reprochent à la société française de ne pas les comprendre et de rejeter leur culture étrangère. Un grief à l¹intention des policiers notamment : "Ils nous empêchent de nous réunir les soirs d'été, autour d'un
barbecue, sur la place, dans la rue, comme au pays. " Choc des cultures ? Certains sociologues font remarquer que l¹intégration des populations maghrébines à la société française se fait très vite, beaucoup plus vite que celle d¹autres nationalités d¹immigrés : "C'est la première fois que la France absorbe tant de gens aussi rapidement". Une intégration sur fond de crise de structures de la société française.  Avec deux écueils :

 "Ils se croient à Jurassic Park"

"Montreynaud c'est pas un quartier, c'est une ville. Sorbiers à côté c'est un rond-point!"!   Une ville, donc, qui n'a pas de maire et dont le député, Gérard Lindeperg, brille par son absence : "Il passe une fois par an, et puis voilà il est débarrassé.  Jean-Pierre Philibert, lui, il venait plusieurs fois dans l'année", renchérit Hocine. Et d"ajouter : "les politiques de gauche ils croient que parce qu¹on habite Montreynaud nos votes leur sont acquis... ils risquent d¹avoir des surprises. "  Mais à Montreynaud, peu de jeunes vont voter, ils sont "trop dégoûtés." Leur quartier, tout le monde en a une mauvaise image. les médias en font un haut lieu de la violence urbaine, au même titre que la Cotonne, Montchovet, ou le Crêt de Roch à Saint-Etienne, mais aussi la Romière au Chambon-Feugerolles, et la Goutte Marcellin à Roanne.
Et c'est vrai que les rapports jeunes policiers ne sont pas au beau fixe. Méfiance, incompréhension, insultes sont le lot quotidien de la population et des forces de l'ordre. Un mur de "la honte" s'est construit progressivement au fil des années : "Il faut ouvrir  le quartier et donner du boulot aux jeunes, insiste Driss, ici il y a trop de chômeurs, les jeunes font n¹importe quoi...Les flics, eux, ils montent , ils provoquent...Et la mairie ne fait rien."


Un raccourci rapide ? Les faits sont là. Et ne plaident pas forcément pour Montreynaud. "En moyenne c'est une voiture qui brûle tous les soirs, révèle un pompier excédé, ils mettent le feu  pour qu'on intervienne ,et ensuite ils nous jettent des pierres...il y a même des anciens qui nous appellent pour nous prévenir : attention, c'est un piège !".  Autant de faits que la Police ne divulgue pas, autant d'incendies volontaires que le quotidien local ne relate même plus. "C'est rentré dans les m¦urs",  résume cette habitante de la place Cosma, en haussant les épaules, un rien blasée.


La BAC, la brigade anti-criminalité, tourne toutes les nuits. Une provocation pour les jeunes du quartier : "A 3 heures du mat, ils mettent les sirènes. Ils réveillent tout le monde. C'est des vrais cow-boys", raconte un jeune homme qui vient de se faire "siffler" par une voiture de Police. "Les gendarmes, c'est différent, ils te disent Bonjour Monsieur, ils te demandent poliment tes papiers. Les flics, ils nous fouillent devant les boîtes de nuit, au Sphinx, au Bowling... ils gardent le sheet.... L'autre soir, à Beaubrin, ils ont fouillé des pères !"  La famille c¹est sacré. Beaucoup de ranc¦ur filtre de leurs propos.


Derrière cette insécurité latente se cache un mal-être profond. Les moins de 25 ans  représentent  près de la moitié des 10 250 habitants du quartier (entre 41 % et 53 % selon les différents secteurs). "23% des jeunes sont au chômage, contre 15% seulement pour l'ensemble de la ville de Saint-Etienne", note Robert Karulak, correspondant de la mairie pour Montreynaud. 2 299 familles perçoivent les allocations familiales (40 000 sur l'ensemble de la ville) et 418 personnes bénéficient du RMI (4 412 pour tout Saint-Etienne). Le taux de chômage pourrait bien augmenter dans les années à venir car le quartier se vide. D'après le dernier recensement, Montreynaud aurait perdu 3200 habitants  par rapport à 1989."Sur les 2390 logements sociaux que comptent le site, 692 sont actuellement vacants", insiste l'élu stéphanois.
Parallèlement l'animation est au point mort : deux boulangeries, deux débits de boissons. Pour 10 000 âmes, c'est un peu juste. "Le 42 ne vient plus, on doit aller le chercher en ville" , peste un vieil homme, assis dans un coin du bar Les Feuilles mortes. "Il y a relativement peu d'associations",  poursuit Robert Karulak. Trente, à peine. Il  y a pourtant une forte demande de la part des jeunes. "La mairie finance une association, le Cosme, qu'elle veut voir se développer et tout régenter ici,...et c'est toujours les mêmes qui travaillent", se plaint Hocine. Côté municipalité, on renvoie la balle dans le camp des jeunes : "Ils veulent des associations, mais ils ne sont pas prêts à s'investir. On a du mal à trouver des volontaires, des bénévoles. Qu'ils viennent nous voir, on les aidera. " Robert Karulak passe à peu près bien auprès des jeunes. Mais la mairie, dans son ensemble, est fustigée : "Un jour ils ont fait le tour du quartier en car, pour visiter. Ils nous regardaient derrière leurs vitres... Ils se croyaient à Jurassic Park!", s'énerve Kamel. "Le maire, c'est un capitaliste. Il est prof d'anglais... qu¹il retourne à son école. Son livre, je l'ai lu, je l'ai jeté à la poubelle",  renchérit Boualem.
Boualem, c'est Raimu au pays de Pagnol. Il aime la nature, il la transpire. "J'habite Montreynaud depuis 14 ans. Je vote depuis l'âge de dix-huit. Pour la liste "beur". Ici on a tous un savoir, un potentiel (...) Il ne faut pas juger les jeunes, la haine ça se travaille, elle s'enlève. " Boualem impressionne. Au milieu d'un discours de haine et d'incompréhension, il se fait conciliant. Il professe des leçons de choses, des leçons de vie. Tout le monde ne l'écoute pas. Chacun son rôle. Une certitude : "si on n'était pas solidaire les uns des autres, ça serait comme en Corse".  Sa passion, c'est la peinture. Il se dit Artiste, peintre animalier. "Je suis mieux reconnu en Belgique que dans ma ville" .  Et de reconnaître : "j'ai de la chance, c'est la nature qui m'a guidé".



La zone franche, ou l'échec de la République

A Montreynaud, comme ailleurs, les jeunes comptent sur le piston pour trouver du travail. C'est comme ça que Farid a obtenu son emploi jeune. "Je connais plein de potes qui ont fait des demandes, comme moi.. ils ont été recalés parce qu'ils ne connaissaient personne".  
Mais c'est surtout la mauvaise réputation du quartier qui nuit à ces jeunes demandeurs d'emplois. Kamel est titulaire du DESS de gestion de production de l'Université de Montpellier. Sa maîtrise d'économie, il l'a obtenue à Saint-Etienne. "J'ai le niveau ingénieur. Dans un bassin fortement industriel comme la Loire, je pensais que je trouverais facilement du travail. Mais non, rien." A l'exclusion de Casino, tous ses entretiens ont eu lieu à Paris, essentiellement à Neuilly-sur-Seine et à Boulogne-Billancourt. "Là-bas, que j'habite à Montreynaud ou à Bel Air, c'est égal, je suis avant tout stéphanois. Ils me proposent des salaires intéressants. Mais je ne veux pas. Je préfère travailler à Saint-Etienne. Ici, même à 11 000 francs par mois, je prends². Kamel se refuse à faire comme certains de ses voisins : donner une fausse adresse, en centre ville, pour avoir une meilleure chance. Avoir une chance d'aller à l¹entretien et prouver ses compétences. "Même les mecs qui veulent s'en sortir par les études sont bloqués.  Montreynaud, c'est la parfaite illustration de la reproduction sociale de Bourdieu. On naît pauvre et on finit pauvre..."  Pour lui, c¹est clair, si le délit de faciès tend à se réduire, un nouveau délit émerge, aussi injuste,"le délit de quartier".  Le 21 février, après 6 mois de recherche, Kamel a signé un contrat de travail... à Paris.
"Le Marais aussi avait une mauvaise réputation à Saint-Etienne, rappelle Abdel Hammouche, chercheur au Cresal, le Centre de recherche en sciences sociales de l'Université jean Monnet, mais les gens trouvaient quand même du travail grâce à Creusot-Loire". Montreynaud n¹a pas de Creusot-Loire. Il n¹a qu¹une zone franche. Un échec cuisant : "118 entreprises sont implantées sur la zone franche, soit 364 emplois transférés. Parmi les 236 emplois nets créés, seulement 60 profitent aux habitants du quartier", confirme Robert Karulak. Pum plastiques, Desjoyaux, ça ne fait pas tout. Les entreprises qui ont besoin d¹ouvriers spécialisés ne sont pas sûres de trouver la main d'oeuvre qu'il leur faut sur place. Sur les 35 millions de francs de budget consacré à Montreynaud pour les trois années 1999-2000-2001 (grâce notamment  au fonds européen URBAN) la ville de Saint-Etienne n¹a consommé que 10 MF ! La municipalité promet de mettre les bouchés double en 2001.
Pour Abdelkader Belbahri, chercheur au Cresal, le vrai responsable de la violence urbaine, c'est la politique d'urbanisme des années 70-80. " Quand on a voulu attaquer les problèmes des banlieues dans les années 80, avec la politique de la ville, on a commis une erreur. On a inculqué une identité collective qui est vécue négativement.  Dans ces nouveaux quartiers, on a tout simplement oublié de mettre de l'économique. A présent, c'est trop tard, on ne peut pas mettre l'économique là où il n'est pas viable".

Quel sort pour les habitants de Montreynaud ? Les jeunes sont-ils contraints à l¹exil pour trouver du travail ? Kamel aurait-il raison lorsqu¹il affirme:  "C'est pas vrai, l'école c'est pas l'égalité des chances ."

"Il faut ouvrir  le quartier et donner du boulot aux jeunes, insiste Driss, Ici il y a trop de chômeurs, les jeunes font n¹importe quoi...Les flics, eux, ils montent , ils provoquent...Et La mairie ne fait rien."

 

 

 

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Complément d'enquête :  Patrick Françon - Journaliste

Reportage-Photo : Jérôme Bernard-Abou


Edmond Hubé : "Après la prévention, la dissuasion"


Lors des municipales de 1995, la présence de Edmond Hubé, ancien commandant de CRS sur la liste conduite par Michel Thiollière ne passa pas inaperçu. Elle était le signe de l¹importance accordée par les candidats et les citoyens aux questions de sécurité. Cinq ans plus tard, la sécurité est une des préoccupations majeures des stéphanois

Que pensez-vous de la loi Chevènement sur les polices municipales ? C'est une bonne chose car la loi reconnaît enfin les polices municipales. Mais on attend toujours les décrets d'application qui permettront aux polices municipales d'avoir un peu plus d¹espace et d'efficacité sur la voie publique et de soulager la police nationale du règlement de certaines infractions. Maintenant, il faut veiller que par les conventions police nationale polices municipales, le ministère de l'intérieur ne mette pas la main sur des effectifs qui relèvent des communes et en fasse des supplétifs.

Quelle est la politique de sécurité de la ville de Saint-Etienne ? Dès mon arrivée, par un plan d¹action, j'ai proposé une augmentation des moyens et des effectifs. La sécurité consiste à rassembler des hommes et des moyens. Michel Thiollière a accepté de multiplier les effectifs par 4,5, en les portant à 90. Je pense qu¹on devrait arriver à 150. La municipalité a consenti beaucoup d¹efforts matériels à travers la rénovation des locaux de Roannelle, la rénovation du poste de Léon Nautin, déserté par la police nationale, la création d¹une brigade équestre (6 cavaliers), la modernisation et l¹informatisation. Nous avons mis en place notre premier poste mobile de police, destiné à aller dans les quartiers. Ce Master Renault permettra de recevoir du public et de patrouiller en ville. Il sera présent sur certains marchés et notamment à Terrenoire.

Êtes-vous favorable à l'armement des polices municipales ? Ce n'est pas à l'ordre du jour. Mais je n¹ai pas d'opposition de principe, à condition que l¹armement soit précédé d¹une formation psychologique, judiciaire et administrative de longue durée. Il faudrait enfin que la population y soit favorable.

Etes-vous favorable aux contrats locaux de sécurité  ? C'est la énième tentative pour faire coopérer les acteurs de la sécurité. Je reste sceptique quant au fonctionnement du système, car je n'ai encore jamais vu fonctionner un trio de commandement. A Saint-Etienne, nous n'avons pas attendu le contrat pour travailler en partenariat. Je note que l'Etat est en train de passer d'une police de maintien de l'ordre, à une police de proximité. A Saint-Etienne, nous avons largement précédé le gouvernement dans la mise en ¦uvre d'une force de proximité.


Met-on trop l'accent sur la prévention ?
La prévention est nécessaire et indispensable. Elle devrait se traduire par une formation civique des parents et du monde associatif. Après la prévention, il y a la dissuasion. Dans ce domaine, une police municipale et des agents locaux de médiation sociale peuvent jouer un rôle de présence comme les sergents de ville d'autrefois. Après cela, la répression est indispensable pour faire respecter les lois et règlements de la République.

Les prochaines municipales vont-elles se jouer sur la sécurité ? A mon avis oui car il est inadmissible de ne pas régler ce problème. Il est urgent de rassurer les commerçants et tous ceux qui ont peur.

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Textes  :   Chrystel   NERCESSIAN  /  Photographies  &  Conception  :   Jérôme  BERNARD-ABOU
All rights reserved © Jérôme BERNARD-ABOU / Haute Photographie-B&G Mariage / Tous droits réservés 1999.
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