Absolute Travel Mag
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JEROME ABOU : "DE RETOUR DE LIBYE"  

ATM : vous revenez d’une série de reportages en Libye, quelle est votre impression générale à propos de ce pays ?

Une très bonne impression car lorsqu’on part dans un pays qui a une réputation très forte comme celui-ci on est obligé d’avoir des à priori, en fait on y trouve un peuple musulman assez ouvert, moderne, très hospitalier et serviable, fort, et riche d’idées pour pouvoir vivre en autarcie.

ATM : l’un des axes de votre reportage était Tripoli. Nous connaissons peu cette capitale. Que nous conseilleriez-vous de découvrir lors d’un premier tour d’horizon ?

Tripoli est une grande cité semblable aux autres du monde arabe. Le centre ville est très intéressant d’un point de vue architectural : l’antiquité y côtoie les buildings. C’est en fait la vieille ville originelle " Oéa ", ancienne Tripoli, où se côtoient artisans du cuivre, marchands de tissu, commerce d’or. Ce quartier est très riche en boutiques et artisanats avec des marchés très colorés où grouillent les tripolitains. Je conseille tout de même un guide avec sa voiture, ou bien de parler et très bien lire l’arabe car tous les panneaux sont écrits en cette langue.

Sur place, j’ai été surpris de trouver un grand nombre de noirs africains et d’arabes provenant de toute l’Afrique comme si Tripoli et la côte libyenne, où vivent neuf libyens sur 10 ( 3,6 millions sur 4 millions ), était une référence.

Je pense que si l’on surnomme le Président Moammar El Kadhafi " le Guide " ce n’est pas pour rien. Il a tellement entrepris de travaux colossaux (La grande rivière - Culture de blé et d’orge en plein désert) digne de ces ancêtres voisins qu’il est, je pense, véritablement un guide pour beaucoup de musulmans. Pour ce qui est de le photographier c’est mission impossible sans un accord expresse émanant de sa part a moins de l’apercevoir lors d’un défilé militaire ! D’ailleurs personne ne sait où il habite et comment il se déplace. Il fait partie de ces figures que l’on qualifie d’énigmatiques...

ATM : en quoi consiste ces fameux " grands travaux " ?

Il y a tout d’abord " La Grande Rivière ", appelée aussi le " 8^ème mirage ". Ce réseau d’approvisionnement en eau est composée de 250 000 tubes assemblés les uns aux autres, de 7,5 et 4 mètres de diamètre et pesant environ 73 tonnes chacun... Plus connues sont les cultures de blé et d’orges dans le désert. Elles s’étalent sur plus de 20000 ha avec des centaines de cercles de 400 mètres de rayons... De quoi garantir une autosuffisance en nourriture et en plus de pouvoir exporter. La Libye possède aussi de grands champs pétrolifères et gazéifères, ainsi qu’une infrastructure routière exceptionnelle et quelques chemins de fer.

ATM : la côte regorge de sites archéologiques. Quels sont, parmi ces sites, ceux qui vous ont le plus marqué et pourquoi ?

Comme vous le dites, toute la côte libyenne regorge de sites antiques comme Tripoli, Tobruck Leptis-Magna, Sabratha, Ptolémaïs, Teuchra-Arsinoé, Cyréne, Appolonia et bien d’autres encore qui retracent l’histoire Carthaginoise puis Phénicienne, Byzantine, Grecque, Romaine, vandale, Arabe et Turque. On peut découvrir des temples, des théâtres, des forums, des arcs de triomphe, des thermes, des fontaines, des prophilées, des palais etc ...

J’ai énormément apprécié Sabratha, peut-être du fait de la lumière du moment et du vent de mer qui soufflait sur ces ruines.

Un peu d’histoire en deux mots, le nom Tripoli ( Tri-polis ) vient de l’association de trois grosses cités Phéniciennes Sabratha, Oéa et Leptis Magna qui formaient trois pôles, aujourd’hui cette région s’appelle la Tripolitaine.

ATM : comment avez-vous perçu les Libyens de manière générale et les habitants de Tripoli en particulier ?

Je les ai trouvés très abordable, c’est un peuple très sensible et hospitalier, j’ai été en général très bien accueilli, même en temps que photographe qui est un métier à risque dans ce pays. Il est vrai que de temps en temps ça a été un peu compliqué mais cela fait partie du jeu.

Ce que je peux dire c’est que j’aurai eu du mal à me perdre plus de 12 heures car j’ai dû passer entre quatre et huit check-points militaires ou policiers par jour sauf quand je me suis trouvé dans le désert bien sûr.

J’ai constaté que la femme libyenne à plusieurs visages, selon sa classe sociale, son lieu géographique, l’importance de la religion dans sa famille, son âge, en présence de qui elle se trouve et aussi de son métier. La femme se libère mais le Coran veille, dans tous les cas la religion à une part prédominante dans la vie de tous les jours de l’homme et de la femme.

ATM : cette nouvelle ouverture au tourisme donne-t-elle des ailes à certains ? Le pays vous a-t-il semblé foisonner d’initiatives en ce sens ?

Pour l’instant à certain, mais bientôt à tous, ils ne le savent pas encore mais ce sera bientôt un eldorado du tourisme. C’est un territoire vierge très beau, très vaste, qui possède la côte la plus longue de l’Afrique du Nord, qui est en plus chargé d’histoire et qui ne possède quasiment aucune infrastructure hôtelière (en dehors de Tripoli et de certains points de la côte).

Actuellement il existe un grand nombre de petites agences qui possèdent une, deux ou trois voitures avec chauffeur et guide. Je suppose qu’ils sont en train de s’organiser pour éviter de devenir comme la Tunisie ou le Maroc où règnent les palais-clubs de vacances organisées.

ATM : vous avez eu la chance de pouvoir vous glisser dans les coulisses de l’un des grands bivouacs du Dakar - Le Caire. Quelle était l’ambiance après l’annulation de l’étape au Niger ?

Vous avez dit le mot, beaucoup de chance d’avoir pu, d’une part, suivre le rallye en parallèle pendant plusieurs jours, et, d’autre part, d’avoir pu me faufiler entre machines du désert et sorciers mécaniciens lors de bivouacs !

L’ambiance côté concurrents a été partagée, certains regrettaient que le rallye soit arrêté à Niamey au Niger, ils ont eu l’impression de faire un deuxième rallye au départ de Sabha et d’autres étaient non mécontents de laisser derrière eux quatre étapes cassantes et fatiguantes.

C’est indéniable le rallye a été faussé. Personnellement je rejoins l’avis de certains concurrents qui ont fait comprendre que le rallye aurait pu et aurait dû passer. Mais je suis aussi d’accord sur le fait qu’il ne faut pas prendre à la légère des menaces terroristes surtout au Niger qui a des frontières " gruyère " avec l’Algérie. Cependant, ce sont des choses qui sont prévues et pensées, surtout quand la menace date de plus de 8 jours.

Je comprends aussi l’organisation et Hubert Auriol qui a choisi la sécurité car il gère une caravane de 1600 personnes : 700 concurrents et leurs véhicules (moto, quad, side-car, voiture, buggy, camion), 250 mécaniciens, 230 personnes de l’organisation, médecins, cuisine dont 150 volontaires, 240 personnes de la presse et la télé, 30 teams managers et attachés de presse, plus les 22 avions, 8 hélicoptères, 23 véhicules et 16 camions de l’organisation... Il ne pouvait donc se permettre de mettre en péril un rallye qui pèse des milliers de millions de francs.

Pour l’anecdote, le rallye c’est aussi 2 millions de litres de carburant, 153 tonnes de nourriture et 1300 baguettes de pain par jour ! De manière plus exceptionnelle, ce fut aussi cette année la location, pour quelques dizaines de millions de francs, de trois Antonov 124, les avions cargo les plus gros au monde pour organiser le plus gros pont aérien de l’histoire du sport.

Une chose encore à propos du rallye, le pays le plus sûr qu’il ait traversé a bien été la Libye.

ATM : l’événement du passage du Rallye dans le pays était-il aussi perceptible à Tripoli ? Qu’en pensaient les habitants ?

Les libyens étaient très au courant de tout ce qui se passait sur le rallye grâce aux media libyens télé et radio, ils étaient aussi très excités d’approcher ce mythe roulant car c’est la deuxième fois qu’il passait sur leur territoire. Ils étaient très nombreux au départ de Sabha et de Timsah, beaucoup moins à Waw El Kibir, et pour cause c’est une base militaire. J’ai aussi remarqué que ce sont des adorateurs de la mécanique et de la voiture en général, ils sont capables de réparer avec un rien et vous règlent un moteur avec une cuillère !

ATM : si vous deviez personnellement ne conseiller qu’une seule région à découvrir en ce vaste pays, quelle serait-elle et pourquoi ?

Je ne peux pas n’en choisir qu’une ou alors ça serait le Sud / Sud-Ouest c’est à dire de Sabha à Ghat à travers le désert de Murzuq et les lacs bleus d’Awbari, approcher l’authentique, vivre et se déplacer comme un touareg a travers l’Akakus, revivre l’âge préhistorique grâce aux peintures et gravures rupestres datant de 5000 ans avant Jésus-Christ et toucher du blé de culture futuriste dans le Fezzan.

ATM : vous qui bouclez votre valise à tout bout de champ... Que nous conseilleriez-vous de glisser dans la nôtre avant de partir pour la Libye ?

Deux choses : de la discrétion et surtout, très important, un chèche pour se protéger du froid la nuit ( -12°C. en hiver ), du chaud la journée ( +58°C. l’été ) et du vent de sable ou des moustiques quand c’est nécessaire.

ATM : depuis quand êtes-vous photo-reporter ?

Je fais du reportage photo de manière lucrative depuis trois ans, sinon la photo j’y suis tombé dedans petit et je voyage depuis que j’ai l’âge de prendre l’avion.

ATM : quelles sont vos spécialités ?

Disons que pour l’instant j’ai la chance de choisir, cependant les grands axes sont les reportages à l’étranger pour découvrir d’autres peuples et civilisations, les reportages qui sortent du commun, on pourrait même dire que je recherche la difficulté ou bien les reportages faits en collaboration avec des journalistes avec qui j’aime travailler.

ATM : un prochain reportage en vue ?

Oui, même plusieurs, le prochain à l’étranger est au mois de mai. Ce sont les Terres de Baffin, entre le Groenland et le Nord Canada, mais je n’en dis pas plus, il va falloir attendre.

 Merci Jérôme !

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